ACHEMINEMENT DES VIVRES AU NIGER
NIGER :
Acheminer des vivres par camion, pirogue, chameau et charrette
IRIN
jeudi 19 août 2010
DIFFA, 19 août 2010 (IRIN) - Cette année encore, le
Niger manque de nourriture. Près de la moitié des 15,2 millions d’habitants du
pays est exposée à un risque de faim à la suite des mauvaises récoltes de 2009,
selon le gouvernement ;
Le Programme alimentaire mondial (PAM) estime que plus
de 212 500 tonnes de vivres seront nécessaires entre août et décembre pour
combler le déficit alimentaire. Mais dans un pays comme le Niger – sablonneux,
sans littoral et qui compte très peu de routes – il n’est pas facile de
distribuer de la nourriture aux familles qui vivent dans les zones isolées.
« Pendant
la saison des pluies [de juin à octobre], certaines zones, comme celle de Doro
[dans la région de Diffa], ne sont pas accessibles par la route. Pour atteindre
quelques familles, nous devons utiliser des pirogues », a dit Djibo Abdou
Soumaïla, assistant logistique pour le PAM à Diffa. La région de Diffa, située
à la frontière avec le Tchad, est l’une des moins peuplées et des plus isolées
du pays.
Avant d’atteindre Doro, les vivres passent des mois
sur les routes et en haute mer. Ils transitent généralement par les ports de Cotonou,
au Bénin, ou de Lomé, au Togo, et par les villes nigériennes de Diffa et de
N’Guigmi. Les denrées achetées à l’international mettent ainsi trois à quatre
mois à arriver au Niger. Celles achetées dans les pays voisins arrivent en
l’espace de deux mois
Depuis le début de l’année, le PAM a acheté près de 70
pour cent de ses 114 000 tonnes de nourriture aux pays voisins, notamment le
Bénin, le Mali, le Nigeria et le Ghana, grâce à des surplus de céréales et à la
production de légumes secs. Certains produits, comme l’huile de cuisson et les
compléments alimentaires comme le Plumpy’doz, extrêmement nutritif, ou la
farine enrichie n’ont pas pu être achetés localement.
« Nous
n’avons jamais autant acheté en Afrique de l’Ouest », a dit le directeur
national du PAM au Niger, Richard Verbeeck. « Nous avons plusieurs
spécialistes qui s’occupent d’évaluer le prix et la qualité des denrées
alimentaires dans plusieurs pays. Parfois, il faut récupérer les produits dans
divers endroits ».
Dans les entrepôts gérés par le gouvernement et le PAM
à Diffa, le magasinier Saly Boubacar montre les piles de vivres :
« huile [de cuisson] de Malaisie, sel de Finlande, riz des États-Unis,
fèves du Mali et farine enrichie de Belgique ». Il a expliqué que les
délais d’arrivage d’un produit retardaient parfois les distributions de vivres.
« Nous avons dû attendre pendant un certain temps pour obtenir de
l’huile », a-t-il dit.
Les camions, d’une capacité de 40 tonnes, mettent
jusqu’à deux semaines pour faire les 2 000 kilomètres qui séparent le Bénin de
la ville de Diffa, via le Nigeria, a ajouté M. Soumaïla, du PAM.
Traverser des rivières et des dunes de sable
« Notre rôle est d’apporter la nourriture là où
les gens se trouvent », a dit Etienne Tchecounnou, responsable de
programme pour le PAM à Diffa. « Même lorsqu’il n’y a que six familles qui
en ont besoin dans une zone très isolée, nous devons y aller. Nous ne pouvons
pas leur demander de faire 50 kilomètres pour venir chercher les vivres ».
Avec l’aide de deux transporteurs privés propriétaires
de 13 camions, M. Tchecounnou et M. Soumaïla doivent, pour le mois
d’août seulement, distribuer 820 tonnes de nourriture. Quelque 75 tonnes sont acheminées vers le
nord pour être distribuées dans les zones situées aux alentours de N’Guigmi, à
130 kilomètres au nord de Diffa. Moins de deux tonnes sont destinées à 17
familles habitant le village de Blaharde, plus de 100 kilomètres plus loin au
nord.
Une route autrefois asphaltée relie Diffa et N’Guigmi.
« Elle devient presque impraticable pendant la saison des pluies. Certains
tronçons sont inondés, d’autres ont depuis longtemps perdu leur revêtement.
C’est particulièrement difficile avec des camions chargés, car les risques
qu’ils restent coincés sont élevés », a dit M. Soumaïla. Les
chauffeurs mettent toute une journée pour parcourir un peu plus de 100
kilomètres.
Depuis les entrepôts de N’Guigmi, les vivres sont à
nouveau chargés à bord de camions plus petits, et ensuite transférés dans un
pick-up pour parcourir la dernière partie à travers les dunes de sable avant
d’arriver à Blaharde. Le trajet dure généralement une journée, à condition que
le chauffeur soit expérimenté et le véhicule fiable, a ajouté M. Soumaïla.
« Lorsque les chauffeurs s’enlisent, ça peut être
très long. Souvent, il n’y a pas de réseau téléphonique. Lorsqu’ils ont de la
chance, des éleveurs de chameaux qui passent par là leur donnent un coup de
main. Sinon, ils doivent marcher jusqu’au prochain village ».
Une fois que les vivres atteignent enfin le village,
les familles les ramènent chez eux – souvent à plusieurs kilomètres de là – sur
une charrette ou le dos d’un chameau.
Pénurie de financement
Il faut donc s’y prendre longtemps à l’avance pour
commander les vivres. En juillet, après avoir annoncé un renforcement de ses opérations
à la suite d’enquêtes du gouvernement montrant que le nombre de personnes
affectées par l’insécurité alimentaire était plus élevé que prévu, le PAM a
demandé un soutien immédiat. Selon une étude rapide réalisée en avril, le
nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire sévère serait passé
de 2,6 à 3,3 millions.
C’était une véritable course contre la montre.
« Pour obtenir les vivres à temps, il fallait acheter des produits de la
région », a indiqué M. Verbeeck, du PAM.
Mais les fonds ne sont pas arrivés à temps. Le
porte-parole du PAM au Niger, Vigno Hounkanli, a dit qu’une pénurie de
financement de 88,2 millions de dollars sur les 213 millions requis forçait
désormais le PAM à limiter ses distributions de vivres à seulement 40 pour cent
de ceux qui en auraient besoin. Le gouvernement et d’autres organisations,
comme le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Médecins Sans
Frontières et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) distribuent
également des rations ou des compléments alimentaires.
« Les besoins initiaux ont été
sous-estimés », a indiqué le chef du Bureau OCHA au Niger, Modibo Traoré.
« Il y a toujours des délais dans les déboursements et la réponse des
bailleurs de fonds n’a pas été suffisante ».