NIGER : Petites avancées vers un futur durable
IRIN - 30
août 2010
mardi 31
août 2010
DIFFA, 30
août 2010 (IRIN) - Le Niger, l’un des
pays les plus pauvres du monde, connaît un taux de croissance démographique non
viable, selon les autorités et les groupes de la société civile.
Si le taux
de croissance actuel de 3,3 pour cent par an reste inchangé, la population du
Niger atteindra le chiffre de 50 millions d’habitants en 2050. Le pays compte
aujourd’hui 15,2 millions d’habitants et
doit déjà faire face à une sous-nutrition généralisée.
Cela fait
presque 25 ans que le Niger a fait du contrôle de la démographie une de ses
priorités dans le combat contre la pauvreté, a dit Barra Bahari, directeur
adjoint du ministère du Développement Social, de la Population, de la Promotion
de la Femme et de la Protection de l’Enfant. Toutefois, convaincre les gens
d’avoir moins d’enfants en se mariant plus tard et en utilisant des moyens de
contraception n’est pas une tâche aisée.
« C’est une
urgence humanitaire. Sans contrôle des naissances, nous n’avons pas de
futur », a dit Idé Djermakoyé, président de l’Organisation nigérienne pour le
développement à la base du potentiel humain (ONDPH), une ONG locale impliquée
dans la planification familiale. « Le gouvernement ne peut pas faire face
à la situation. La population est pauvre, le système de santé est médiocre et
il n’y a pas de terres cultivables. Nous n’avons déjà pas les moyens de nourrir
et d’éduquer notre population ».
- Près de 60 pour cent de la
population survit avec moins d’un dollar par jour.
- Toutes les deux minutes,
une femme meurt en donnant la vie.
- Près d’un enfant sur cinq
meurt avant l’âge de cinq ans .
- Près d’un sur trois ne va
pas à l’école primaire.
Selon une
étude sur l’impact de la croissance démographique menée récemment par le
gouvernement, le Niger aura besoin de milliers de salles de classe, de
professeurs et de professionnels de la santé supplémentaires si la tendance
n’évolue pas d’ici 2015. D’une manière générale, il y aura une personne active
pour deux personnes inactives. De plus, la production vivrière déjà
insuffisante sera encore moins satisfaisante.
Dans le
service de maternité du centre médical de Diffa, Mamane Fati tient son neuvième
enfant, une petite fille, dans ses bras. « Mon premier enfant ne se tenait
pas encore debout quand le deuxième est né », a-t-elle dit. Sa sœur lui a
ensuite parlé de la contraception.
« Aujourd’hui,
j’ai compris qu’il fallait espacer les naissances. J’essaye de laisser trois
ans entre chaque enfant ».
Le fait que
Fati ait neuf enfants n’a rien d’exceptionnel. Les Nigériennes présentent le taux de fécondité le plus élevé au
monde, avec une moyenne de sept enfants par femme. Ce qui est toutefois
remarquable, c’est le fait que Fati, âgée de 38 ans, ait eu son premier enfant
à 21 ans, ce qui est plutôt tard dans un pays où, selon une étude
gouvernementale sur la démographie et la santé réalisée en 2006, la moitié des femmes ont leur premier
enfant à 15-16 ans.
En
favorisant l’éducation pour tous, le Fonds des Nations Unies pour la population
(FNUAP) espère réduire le nombre de mariages précoces. « Dans de nombreux
cas, l’éducation pourrait mettre fin au cycle des mariages précoces », a
dit Saidou Kabore, représentant du FNUAP à Niamey. « Les filles ne se
marient pas pendant leurs études. Et, en général, plus une femme est éduquée,
moins elle aura d’enfants ».
Le pays a pour objectif de faire passer le taux de
mariage précoce de 60 à 40 pour cent et d’abaisser le nombre d’enfants par
femme à cinq d’ici 2015. Environ 18 pour cent de la population sexuellement active devrait
utiliser des moyens de contraception à cette date.
La
planification familiale et la contraception font partie des sujets abordés avec
les femmes qui donnent naissance dans le service de maternité de Diffa.
« Nous leur expliquons qu’il est important pour leur santé et pour celle
de leur enfant d’espacer les naissances », a dit la responsable du service
de maternité, Mariama Daouami.
Au cours des
neuf dernières années, Mme Daouami a observé que les informations sur la
contraception avaient davantage d’écho dans les villes. « Les choses sont
différentes à la campagne. La plupart des femmes disent qu’elles doivent en
parler à leur mari. Et puis, il y a la question de la religion. Elles pensent
qu’espacer les naissances, c’est contraire à l’Islam ».
Elle a
ajouté que lorsqu’un homme a plusieurs femmes, celles-ci rivalisent entre elles
pour avoir le plus d’enfants, car cela influerait sur leur statut au sein de la
famille et sur la part d’héritage qu’elles recevraient.
Des
organisations telles que le FNUAP ont compris que sans l’accord des hommes et
des autorités religieuses, le changement sera limité.
« Avant, les femmes étaient notre cible, mais
nous avons compris que nous ne pouvons pas encourager la planification
familiale sans intéresser les hommes à la question », a dit M. Kabore, du FNUAP.
« Ce sont les hommes qui prennent les décisions concernant la
contraception ou l’accouchement au centre médical. Ceci est lié à la question
du statut de la femme dans la société ».
En 2004, le
FNUAP a commencé à aborder la question de la planification familiale avec les
hommes en ouvrant une douzaine d’« écoles des maris » dans le centre
du Niger. Les hommes mariés étaient invités à venir deux fois par mois afin de
parler de la santé reproductive. M. Kabore a expliqué que cela avait
permis aux maris de s’impliquer davantage dans la santé et les questions qui
touchent la famille. Cette année, 136 de ces « écoles » ont été mises
en place.
Hassan Ardo Ido a 12 enfants de moins de 21 ans. Il
dit que c’est un lourd fardeau, mais explique également : « Nous
pensons que si nous avons cinq enfants qui peuvent aller chercher du bois, et
bien, ça aidera la famille ». C’est une idée que le FNUAP essaie de combattre en
s’appuyant sur le fait qu’élever des enfants coûte cher, a indiqué
M. Kabore. « Ils pensent
que les enfants représentent un filet de sécurité, mais plusieurs exemples
montrent que c’est plutôt un filet d’insécurité ».
Le fait que
les jeunes enfants étaient traditionnellement susceptibles de mourir en bas âge
pourrait également contribuer à expliquer la volonté d’avoir une grande
famille. « Les gens doivent
comprendre qu’il est n’est plus nécessaire d’avoir cinq enfants pour être sûr
qu’il y en ait deux qui survivent », a dit M. Djermakoyé, de
l’ONDPH. « La mortalité infantile a régressé depuis que l’accès aux soins
de santé et à la vaccination s’est amélioré ».
Travailler
en étroite relation avec les chefs traditionnels et les associations religieuses
est également devenu une priorité. L’Islam n’est pas opposé à la planification
familiale, a dit M. Kabore. Citant l’Indonésie, l’Arabie Saoudite et
l’Iran, il a ajouté : « La planification familiale est très bien
acceptée dans certains pays musulmans ». Le marabout Gabo Sabou parle de
la planification familiale aux autres marabouts. « Le Coran dit que nous
ne pouvons pas empêcher les naissances. Nous ne disons pas le contraire, nous
expliquons que le nombre d’enfants doit être en adéquation avec les ressources
disponibles. Le
Coran ne dit pas qu’il faut faire des enfants sans tenir compte de votre
capacité à les élever ».
Bien que ces
sermons soient parfois fraîchement accueillis, il a dit que ses pairs sont plus
réceptifs aujourd’hui qu’il y a 20 ans. « Aujourd’hui, les gens écoutent
et acceptent de discuter. Avant, on ne pouvait même pas parler, ça tournait à
la bataille ».
« Nous
commençons à voir les retombées de notre travail, mais cela prend beaucoup de
temps », a dit M. Bahari, le directeur adjoint du ministère de la
Population, ajoutant que l’utilisation des moyens de contraception était passée
de cinq pour cent en 2006 à plus de 13 pour cent aujourd’hui. « La
contraception était un sujet tabou quand j’ai commencé en 1990. Ce n’est plus
le cas aujourd’hui. On voit des [préservatifs] à la télévision et les gens ne
sont pas choqués ».
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